Efficience

SALECK.Isabelle, le 5 avril 2018

L’efficience en santé se résume-t-elle à une balance macro-économique entre les ressources allouées et les dépenses de santé ?

 

 

Arrêt Mercier revu et corrigé : S’engager à donner des soins efficients, consciencieux, attentifs et conformes aux données de la science ….. ?

Le terme d’efficience, parfois repris par des sociétés de consulting, Pascal Steichen en avait même nommé son organisme de formation « efficiences odontologiques », interroge le chirurgien dentiste libéral en tant que gestionnaire de TPE. Cependant, réduire la Santé à un marché des soins médicaux avec pour acteurs des producteurs et des consommateurs de soins hérisse  les soignants que nous sommes.

L’efficience imposerait de satisfaire trois objectifs contradictoires : la maîtrise de la dépense, la qualité et l’équité .

Certes, aujourd’hui, la société́ est confrontée à la question de concilier l’intérêt individuel du patient et l’intérêt collectif de la société́. L’efficience du système de santé intéresse l’économie publique et la politique économique parce que la dépense de santé est toujours mutualisée.

La question de l’efficience a longtemps été limitée à la maîtrise de l’évolution des coûts des soins de santé, mais elle se pose maintenant de façon plus complexe : comment concilier une dépense raisonnable avec une exigence de qualité et d’équité ?
En clair, le juste  soin de l’économiste est-il le juste soin du soignant et du soigné ?

Le contrat de soins naît de la rencontre entre un patient et un praticien. Ce dernier, considéré comme un « sachant » se doit de lui délivrer des soins attentifs, consciencieux et conformes aux données acquises de la science. A lui donc de répondre aux exigences de qualité de l’efficience dans le cadre du colloque singulier de la relation de soin.

Une raison pour laquelle le chirurgien dentiste dispose d’une supériorité est qu’il en sait plus que son patient. L’expert preste un bien dit « d’expérience », le patient n’en apprécie l’utilité ou la qualité que quand « il en fait l’expérience ». Sa décision dépendra de sa connaissance , impliquant parfois  une recherche d’information. En revanche, si une incertitude radicale interdit au patient de se faire une idée quelconque sur l’impact de l’effort de l’expert, sur le résultat qu’il obtient, l’expert preste un bien de « confiance » car le patient profane doit lui faire une entière confiance.

Forts de cette confiance et de l’attachement que nous porte notre patient, l’économiste nous soupçonne de pousser notre patient à la consommation. On nous reprochera la demande induite, nous sanctionnant par des clauses de revoyure qui, fondées sur des volumes de prothèses réalisées, en diminueraient un prix d’appel unitaire plafonné,  sans tenir compte de l’impact produit par une promesse électorale sur la population dont on ne connaît pas l’état de santé bucco-dentaire en l’absence d’étude épidémiologique.

La notion d’équité renvoie à celle des inégalités (sociales ou non) en santé. Si l’accès aux soins est une vraie question de justice sociale, il n’en demeure pas moins que la dimension du comportement de santé, la responsabilité et le concept de « prévento- conscience » ont une incidence sur les dépenses de santé.

A l’occasion du colloque de la HAS  du 17 novembre 2017, pour un usager, acteur de sa santé, faisant un choix libre et éclairé, assorti d’un engagement moral et financier, un soin pertinent est défini comme :

  • adapté aux besoins du patient et à son environnement de vie, 
  • administré suite à un véritable échange et en toute connaissance par le patient,
  • ayant une balance bénéfice / risque favorable,  
  • un soin utile et « juste » scientifiquement,
  • un soin accessible à tous les citoyens.

L’efficience, terme économique, pose par nature la question de son évaluation : quels indicateurs permettent d’apprécier la satisfaction des besoins sanitaires des patients et la qualité, donc la pérennité de leur prise en charge ? L’efficience, posée à un moment M pose la question de l’obsolescence : l’évolution des connaissances et des technologies lui conservera-t-elle sa pertinence ? L’efficience a-t-elle tenu compte de sa dimension sociale en terme de santé globale ?
La réhabilitation d’un sourire ou d’un coefficient masticatoire contribuent à des enjeux économiques qui dépassent le cadre d’une enveloppe allouée aux soins dentaires.

L’efficience n’est pas un gros mot, mais l’efficience n’est pas un terme du jargon médical. Dans le cadre d’un acte de soin, nous préférons être efficace pour remplir notre obligation de moyen.

 

Marie BISERTE
Secrétaire générale adjointe de la FSDL


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